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De la gestion des déchets, à la gestion des ressources

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Notre modèle économique actuel, en place depuis la révolution industrielle, produit une quantité de biens de consommation sans précédent, et en conséquence des montagnes de déchets également. Sur une planète Terre aux ressources limitées, ce système dit « linéaire » (produire – consommer – jeter) a atteint ses limites. Pour mettre fin à ce déséquilibre, c’est un modèle dit d’économie « circulaire » qui doit aujourd’hui devenir la norme. Voyons comment les entreprises et les collectivités peuvent participer à cette transition vers un modèle intégrant la finitude des ressources.

De la sobriété à la surconsommation
Au XIXème siècle, encouragée par le développement de l’urbanisation et le salariat, l’industrie s’est emparée de la production de biens de consommation – vêtements, meubles, etc. Jusqu’alors, la production de biens de consommations dépendait de l’artisanat et chaque produit était conçu, entretenu, et réparé, de sorte à ce qu’il dure le plus longtemps possible. Autour de 1850, alors que les premiers grands magasins parisiens ouvrent leurs portes, l’évolution du système de distribution vers un modèle de consommation se met en marche. On ne cherche alors plus à vendre le nécessaire au prix juste, mais autant que possible et à des prix toujours plus bas. Ce n’est toutefois qu’à partir des années 1950 que la véritable production et consommation de masse débutent en Europe. Ce sont les Trente Glorieuses. Depuis, nous ne cessons de consommer toujours plus. Cette évolution a bien sûr permis d’augmenter notre qualité de vie, mais désormais, nous en apercevons aussi le revers de la médaille.

Notre société nous pousse à la surconsommation : publicité, comparaison sociale, obsolescence programmée, nous avons toujours besoin de plus. Mais cela a un coût, et pas uniquement financier. L’environnement paye aussi le prix fort de cette surconsommation. Nos modes de fabrication et de consommation – basés sur un système linéaire qui extrait des ressources, les utilise, puis les jette – entraînent une surconsommation des ressources naturelles (pour la plupart, non renouvelables). À la clé, des quantités astronomiques de déchets : chaque Suisse produit en moyenne plus de 700 kg de déchets par année, contre environ 600 kg en 1990.

La (trop) courte vie du téléphone portable…
Le marché des téléphones portables est un exemple assez frappant de ce système de consommation de masse, bien que la situation commence à changer petit à petit.

Il y a encore quelques années, votre nouveau téléphone portable était offert à l’achat d’un abonnement de téléphonie mobile. Puis, tous les 12 à 18 mois, vous aviez l’occasion de changer de téléphone à moindre frais, avec l’arrivée du nouveau modèle. Résultats : en 2013, la durée de vie moyenne d’un téléphone portable en France était de 18 mois. En 2017, on accordait toutefois quelque 4 mois de durée de vie supplémentaires à nos téléphones, sans pour autant arriver à les garder 2 ans dans notre poche. Ces chiffres sont similaires à l’étude JAMESfocus 2017 de la Haute École des sciences appliquées de Zurich (ZHAW) et de Swisscom. Menée auprès d’un millier de jeunes de 12 à 19 ans, cette étude a démontré qu’en 2016, les jeunes suisses changeaient de téléphone tous les 22 mois. Pour 58% des jeunes interrogés, la raison invoquée pour ce changement était la volonté d’avoir un meilleur modèle ou un modèle plus récent, tandis que 6% des jeunes voulaient le même modèle que leurs amis… !

Et même si l’on souhaite faire durer plus longtemps son téléphone portable, ce n’est pas toujours possible. Les principales marques de smartphones ne garantissent la fourniture de pièces détachées que pour une durée allant de 3 à 5 ans après la sortie d’un nouveau modèle. Le coût d’une réparation est prohibitif. Et si, malgré tout, on arrive à faire durer son téléphone, ce sont les mises à jour du système d’exploitation qui ne suivent plus et qui signent définitivement l’arrêt de mort de notre téléphone.

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Le recyclage, une fausse bonne idée ?
La solution est toute trouvée direz-vous : le recyclage. Ce n’est toutefois pas aussi simple. En Suisse, nous avons l’illusion d’être de bons élèves car nous trions et recyclons beaucoup. Comme dans d’autres pays occidentaux, nous avons adopté le recyclage à grande échelle. Mais compter dessus pour supprimer tous nos déchets est une fausse bonne idée. Certes, il a son importance et il est nécessaire de continuer à trier ses déchets. Mais la valorisation du recyclage est aussi un piège car il ne permet pas de limiter la production de déchets ni de limiter la consommation de biens à la source. De plus, il existe des limites physiques, techniques et sociétales au recyclage, comme le dit Philippe Bihouix dans son ouvrage L’âge des Low Tech : « À chaque cycle de consommation, on perd de manière définitive une partie des ressources ». C’est-à-dire que le recyclage ne permet pas de recycler 100% de la matière, et épuise donc au final les ressources. Il ne résout pas le vrai problème : notre surconsommation.

La solution : l’économie circulaire et l’éco-design
L’économie circulaire propose une piste de sortie du modèle actuel dysfonctionnel. Ce modèle s’inspire des cycles naturels : comme dans la nature, rien ne se perd, tout se transforme – mais pas en déchet toxique ou sans valeur. Les produits, les composants et les matériaux sont systématiquement réutilisés, permettant ainsi de prolonger leur durée de vie et d’utilisation. L’économie circulaire fonctionne en circuit fermé ce qui permet de réduire la consommation de matières premières et de limiter les dommages à l’environnement découlant de leur extraction et de la production de déchets. Pour parvenir à ses fins, l’économie circulaire s’intéresse aux produits dès leur conception, et veille à ce qu’ils puissent être réparés, transformés et réutilisés facilement.
 

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C’est dans ce cadre que l’éco-design ou éco-conception peut jouer un rôle majeur. En effet, il est capital de tenir compte des conséquences écologiques dans la conception et la mise en œuvre d’un produit. Chaque produit doit être conçu de manière intelligente, pouvoir s’utiliser aussi souvent et longtemps que possible, pouvoir être démonté et revalorisé.

Les entreprises sont appelées à jouer un rôle toujours plus important en matière d’éco-design. Pour ce faire, il est nécessaire de mettre en place des collaborations interdisciplinaires, en faisant par exemple collaborer designers, ingénieurs, utilisateurs et autres experts dès la phase de développement d’un produit pour lui assurer un avenir durable.

L’arsenal législatif a également son rôle à jouer pour favoriser cette transition. Les nouveaux règlements de l’Union européenne en matière d’éco-conception exigent par exemple que les appareils électriques et électroniques soient réparables et que les fabricants fournissent les pièces de rechange.

Du smartphone « reconditionné » au smartphone « éthique »
On l’a vu plus haut, le téléphone portable est un exemple typique de notre société d’hyper-consommation. Mais heureusement, les choses évoluent, quoi que lentement, dans la bonne direction.

La société Recommerce par exemple, s’est lancée en 2009 déjà dans le « reconditionnement » (réparation et revente à prix d’occasion) de téléphones portables. Elle a pour vocation de faire de la « reconsommation » le mode de consommation privilégié des Suisses. Ça marche, et le marché du smartphone reconditionné est aujourd’hui en plein essor. De Migros à Swisscom, tous s’y mettent et y voient un nouveau marché.

Un autre acteur de l’industrie électronique s’est donné pour mission de révolutionner le secteur et de le transformer de l’intérieur. Fairphone a décidé de fabriquer un smartphone plus durable. Cela passe par le choix des matériaux (éviter les minerais de guerre, plus de produits recyclés, …), l’amélioration des conditions de travail, l’éco-conception et la réparabilité du produit. En bout de course, l’acquisition d’un Fairphone permet une diminution des déchets électroniques et une prolongation de la durée de vie des appareils. De quoi inspirer l’ensemble du secteur vers un nouveau modèle économique.

Les communes, moteurs de changement
Quant aux communes, elles jouent un rôle majeur dans l’incitation à réduire les déchets, et par conséquent à consommer moins et plus intelligemment. Alors que la révision de l’ordonnance sur la limitation et l’élimination des déchets (OLED) est entrée en vigueur en 2016, de nombreuses communes se focalisent encore essentiellement sur son deuxième objectif, l’élimination des déchets, sans prendre de réelles mesures pour répondre au premier objectif de cette ordonnance, à savoir la limitation des déchets.

En Suisse romande, seules quelques communes ont mis en place une politique encourageant clairement la réduction des déchets. C’est le cas de Carouge (GE), qui souhaite devenir la première ville de Suisse Zéro Déchet. Dans ce cadre, elle s’est fixé un premier objectif plus modeste et réaliste : réduire de 30% en trois ans le volume des déchets incinérés. Pour y parvenir, la Ville de Carouge organise plusieurs évènements par mois (atelier, conférence, coaching) pour présenter aux habitants des solutions afin de réduire leur quantité/production de déchets.

Une remise en question globale est nécessaire
En résumé, il ne suffit plus aujourd’hui de trier ses déchets pour avoir un mode de vie « écologique ». Une remise en question plus profonde et globale est nécessaire. Il s’agit de mettre fin à la surconsommation à laquelle nous sommes si bien habitués – particulièrement dans notre pays où nous avons les moyens de remplacer un objet au moindre dysfonctionnement – en repensant nos biens de consommation dès leur conception et en mettant en place des stratégies pour limiter la production de déchets à la source. Il est de notre devoir d’entamer un changement radical en la matière dès maintenant.

Juliette Lerch
Rédigé par Juliette Lerch · Rédactrice

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