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Manger mieux pour le climat

blé

Selon la FAO (Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture), environ un tiers des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES) proviennent du secteur de l’alimentation. En Suisse, ce chiffre est estimé par l’Office fédéral de l’environnement à 28%. D’où viennent exactement ces impacts, mais surtout comment faire pour les réduire ? Tour d’horizon de la problématique et présentation de solutions pour un système alimentaire durable.

Impact climatique des aliments
Viande et produits d’origine animale

Tous les aliments n’émettent pas la même quantité de gaz à effet de serre. Dans le panier moyen suisse, la viande et les produits d’origine animale produisent à eux seuls près de la moitié de l’impact environnemental lié à l’alimentation.

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Au niveau mondial, jusqu’à 83% des terres cultivables servent à élever du bétail alors que cela ne représente que 18% des calories consommées dans le monde. Dans de nombreux pays, l’élevage contribue à la déforestation car les terres boisées sont rasées soit pour en faire des zones de pâturage pour le bétail, soit pour produire des cultures qui sont ensuite utilisées pour nourrir les animaux, très souvent du soja. La déforestation libère une grande quantité de GES et diminue la quantité de CO2 absorbées ; c’est une double peine.

L’impact des produits d’origine animale en Suisse représente la moitié de l’impact de notre alimentation, et il dépasse largement nos frontières nationales. 65% de la production de viande et 20% des produits laitiers suisses dépendent des importations de fourrage, en majorité du soja. De plus 20% de la viande consommée en Suisse est d’origine étrangère.

Selon le WWF Suisse, adopter un régime végétarien diminue notre impact lié à l’alimentation de 24%. Un régime végétalien (vegan) le réduit même de 40% (par rapport à la moyenne suisse). Mais commencer par réduire la quantité de viande ou le nombre de repas carnés peut déjà avoir un impact significatif. Au niveau des produits laitiers, il est également possible de remplacer le lait de vache par du lait d’avoine suisse dont le bilan est bien moindre. Le régime « flexitarien », qui réduit la consommation de viande et de produits d’origine animale permet déjà de diminuer notre bilan de 15%.

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Transport et origine des produits
Le transport ainsi que la provenance des produits impactent également de manière importante le bilan carbone de notre alimentation. Il n’y a donc pas que les produits d’origine animale qui produisent une grande quantité de GES. Prenons pour exemple un kilo d’asperges : si ces dernières viennent en camion depuis l’Espagne, le bilan carbone augmente de 50% en comparaison avec des asperges suisses. Et pour des asperges péruviennes transportées par avion, on multiplie carrément l’impact climatique par quinze ! Ainsi, quand il faut 0.3 litre de pétrole pour produire un kilo d’asperges suisses en mai, on passe à 5 litres pour un kilo d’asperges péruviennes transportées par avion pour remplir nos étals au mois de février.

La distance joue donc un rôle, mais l’aspect le plus important reste le moyen de transport. Pour évaluer l’impact environnemental des transports, on utilise le « kilomètre alimentaire » qui permet de calculer la quantité de CO2 émise pour transporter une tonne d’aliments sur un kilomètre. Par exemple le transport par cargo émet 15 à 30g de CO2 par tonne au kilomètre alors que l’avion émet 570g à 1'580g de CO2 par tonne au kilomètre. C’est quarante fois plus !

Modes de production
Les modes de production ont eux aussi un impact important. Intéressons-nous par exemple au café. Ce dernier nous vient de loin, on le sait bien : Brésil, Colombie, Éthiopie ou encore Vietnam. Cependant ce n’est pas le transport qui pèse le plus dans son bilan carbone, cet aspect ne représente en effet que 5% à 10% de l’empreinte totale. La demande en café ayant beaucoup augmenté ces dernières décennies, elle a entraîné une augmentation des plantations de café – en monoculture gourmande en intrants chimiques – aux détriments d’hectares de forêt vierge. La transformation des grains de café avant consommation est également un processus complexe qui demande une grande quantité d’énergie. Tout ceci explique le bilan carbone pharaonique du kilo de café qui se rapproche de celui du kilo de bœuf ! Le chocolat n’est pas en reste puisque son bilan carbone est très similaire à celui du café.

Plus proche de chez nous, les serres chauffées sont également des grandes émettrices de carbone, un haricot suisse sous serre chauffée aux énergies fossiles produit 15 fois plus de CO2 qu’un haricot suisse en plein air. Et pour un haricot suisse congelé, c’est quatre fois plus d’énergie consommée qu’un haricot frais. Les produits ultra-transformés et ultra-emballés ont aussi un impact, notamment à cause de l’énergie utilisée pour leur production.

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Gaspillage alimentaire
Le type d’aliments, la production, le transport, tous ces éléments ont un impact. Il en est encore un qui pourrait facilement être évité : le gaspillage alimentaire.

Portions trop grandes, fruits difformes ou trop laids, produits périmés : les raisons de jeter des aliments sont innombrables, mais souvent infondées. Ainsi, sur 100 pommes de terre récoltées, seules 34 seront effectivement consommées par l’homme. Les 66 autres, même parfaitement comestibles, sont éliminées ou utilisées comme nourriture animale. Le gaspillage alimentaire est également un gâchis de ressources, d'argent et d'énergie. Pas moins de 2,8 millions de tonnes de denrées alimentaires sont perdues chaque année en Suisse, soit environ un tiers de toutes les denrées alimentaires achetées en Suisse. Cela correspond à 330 kilos par personne et par an. Le plus grand responsable du gaspillage alimentaire est la consommateur (38%), loin devant les étapes de production ou de transformation.

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Solutions
Mais alors, que pouvons-nous faire concrètement ? Tous ces faits implacables et ses chiffres ont de quoi nous faire tourner la tête. Mais pas de panique, des actes concrets et simples permettent de réduire l’impact climatique de notre alimentation.

Collectivités publiques et entreprises

Les collectivités publiques et les entreprises, ont également un rôle à jouer pour limiter l’impact environnemental de l’alimentation. Rien qu’en Suisse romande, chaque année plus de 50 millions de repas sont servis dans la restauration collective publique et parapublique. Les communes ou les cantons ont donc en main un levier d’action important au niveau de l’approvisionnement en denrée alimentaires de ces différentes lieux (écoles, hôpitaux, prisons, crèches, etc.).

Grâce à une volonté politique forte, plusieurs actions peuvent être mises en place pour réduire l’impact de la restauration collective d’une ville ou d’un établissement. La Ville de Lausanne a par exemple adopté un plan d’action au niveau de la restauration collective publique qui a permis de passer à 55% d’aliments produits localement, contre 35% trois ans plus tôt. La coopération avec les agriculteurs de la région est primordiale pour pouvoir proposer des produits locaux, il est donc nécessaire pour les collectivités de mettre en place des circuits courts et de créer un réseau de producteurs locaux qui puisse fournir les denrées nécessaires.
Pour la suite, le but de la Ville de Lausanne est d’augmenter encore le pourcentage de produits locaux et labellisés et de promouvoir le label « Fait maison ».

Les labels peuvent représenter un bon objectif pour la restauration collective publique ou privée, cela permet d’avoir des buts clairs et atteignables pour orienter la politique d’achats alimentaires. Il existe par exemple le label « Ama Terra », lié à Fourchette verte qui prend notamment en compte la dimension locale et saisonnière des produits, ainsi que la réduction des protéines d’origine animale. Le label « Fait maison » permet lui de réduire l’utilisation de produits transformés en certifiant que la majorité des produits sont cuisinés et transformés sur place.

Transformer les produits sur place, en travaillant avec des produits locaux, demande des infrastructures dont les établissements sont souvent dépourvus. De nombreux réfectoires ne font que réchauffer des plats préparés à l’avance dans une centrale par une grande entreprise de restauration collective. La marge de manœuvre au niveau des produits et de leur provenance est donc un peu plus limitée. Pour inverser cette tendance, les collectivités et les entreprises ont deux solutions : soit investir dans de vraies cuisines de production pour leurs différents lieux de restauration afin d’avoir la mainmise sur les commandes de denrées ainsi que leur préparation ; soit mettre des critères de durabilité dans les appels d’offres pour les prestataires de restauration collective.

Toujours au niveau des collectivités et des entreprises, il est possible de mettre en place des actions destinées aux collaborateurs et influencer leur consommation de produits alimentaires hors cantines et réfectoires. Par exemple, la mise en place d’un système de paniers de légumes et autres produits locaux distribués dans l’entreprise ou au sein de l’administration sur abonnement permet aux employés de profiter de produits régionaux sans avoir besoin de se déplacer chez un producteur. Une politique d’achats alimentaires responsables, par exemple pour les événements ou les manifestations, est aussi une bonne idée qui nécessite peu d’investissements.

Cantons, communes et villes

Pour les citadins, et même pour les habitants des campagnes, il est parfois difficile d’avoir une alimentation locale et de saison tout en étant diversifiée, car l’accès à ces produits peut être compliqué.

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Les collectivités publiques telles que les cantons et surtout les communes ou associations régionales ont la possibilité de mettre en place des alternatives intéressantes pour le producteur et le consommateur, par exemple en créant un projet alimentaire territorial. Le but est de rapprocher les consommateurs des producteurs et transformateurs locaux afin de faciliter l’accès à leurs produits. Aujourd’hui, cela se développe de plus en plus grâce à des initiatives individuelles ou associatives, notamment à travers les paniers de légumes (agriculture contractuelle de proximité) et les épiceries coopératives. Mais pour éviter que cela reste marginal, un réel soutien des collectivités publiques et nécessaire pour développer ces nouveaux modèles de production et de consommation. Et il existe pléthore de solutions innovantes :

  • Agriculture contractuelle de proximité (ACP) : des paniers de légumes et/ou d’autres produits alimentaires locaux sont proposés sur abonnement aux consommateurs qui peuvent aller les récupérer dans divers lieux une fois par semaine. Il s’agit de vente directe, il n’y a pas ou très peu d’intermédiaire entre le producteur et le consommateur. Les communes peuvent soutenir ces initiatives par exemple en fournissant des locaux pour les points de collecte de paniers ou en « louant » des terrains à des prix avantageux pour des agriculteurs pratiquant l’ACP.
  • Fermes ou micro-fermes urbaines : ces fermes de petites tailles sont situées au cœur des villes, principalement sur des terrains prêtés ou loués par des communes, elles pratiquent la vente directe auprès des habitants du voisinage. Cela permet de récréer un lien entre les habitants des villes et le secteur agricole.
  • Coopératives alimentaires ou épicerie participative : ces épiceries en autogestion ont pour but de réduire les intermédiaires entre les producteurs et les consommateurs. Ces derniers sont membres de la coopérative et participent à son fonctionnement (choix des produits, gestion des commandes, travail à la caisse, etc.), l’épicerie propose des produits en circuit court et locaux. La participation bénévole des consommateurs permet de réduire le prix de vente tout en rémunérant correctement les producteurs.
  • Supermarché paysan : comme pour les épiceries participatives, le but est de rapprocher le consommateur du producteur, cependant les supermarchés paysans sont gérés par les producteurs plutôt que par les consommateurs. C’est un moyen de mutualiser les forces et de garantir que la récolte sera écoulée à travers le magasin, il peut ainsi planifier sa production plus facilement. Le supermarché paysan regroupe des agriculteurs et des transformateurs produisant toutes sortes de denrées pour faire en sorte qu’il soit possible de faire l’ensemble de ses courses dans un seul magasin. Un soutien communal, à travers le prêt d’un local ou un subventionnement, permet aux coopératives alimentaires ou aux supermarchés paysans de se lancer plus facilement.
  • Ceinture maraîchère : le but est d’assurer l’approvisionnement d’une ville grâce à des maraîchers et autres producteurs de produits frais situés tout autour de la ville. La collectivité publique crée une coopérative avec les agriculteurs et leur fournit des parcelles ainsi que la promesse que les denrées seront achetées. En contrepartie, les agriculteurs versent une cotisation à la coopérative. Cela crée des circuits extrêmement courts et favorise la consommation de produits locaux.


Ces différentes solutions peuvent paraître idéalistes ou futuristes, mais aujourd’hui leur succès grandissant prouve le contraire. Afin de ne pas dépasser les limites planétaires, il est nécessaire de repenser notre système alimentaire pour qu’il devienne plus résilient, juste et bon pour la planète et l’être humain. Le passage à des circuits courts et locaux, ainsi qu’une modification de nos régimes alimentaires, en sont les premiers pas.

Nelia Franchina
Rédigé par Nelia Franchina · Spécialiste durabilité

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