De nombreux objets et espaces sous-utilisés peuvent facilement se partager entre personnes ou entreprises, notamment grâce aux technologies digitales. Toujours plus d’initiatives locales et de start-ups pratiquent cette économie du partage, qui offre de nombreux avantages, mais subit aussi quelques dérives. Voyons plutôt.
Partageons nos ressources naturelles et financières en pratiquant l'économie collaborative
Être propriétaire, une question de génération ?
Être propriétaire d’une maison mitoyenne dans laquelle les chambres d’amis ne sont utilisées que deux fois par an ; d’un SUV de rechange, sait-on jamais ; d’un voilier qui ne vogue que quelques jours en été ; d’une cuisine remplie d’électroménagers qui ne servent que pour les repas de fête ; et de bien d’autres possessions sous-utilisées : est-ce un rêve partagé par les nouvelles générations ? Nous ne pouvons y répondre, mais la prise de conscience de la limite de nos ressources est un fait. Et une manière d’y répondre est de partager. Dans son ouvrage De la propriété à l’usage, Rachel Botsman, l’une des chefs de file de l’économie du partage, illustre ce propos par ces exemples parlants : « Vous avez besoin du trou, pas de la perceuse ; d’une projection, pas d’un DVD ; de déplacements, pas d’une voiture ! ». Bien-sûr, il ne s’agit pas de ne plus rien avoir à soi. Nous utilisons certains objets ou espaces quotidiennement, et nous avons tous du plaisir à être propriétaire de certains biens. Pour le reste, nous pouvons réfléchir à des alternatives.
Partager ? Oui, mais quoi et comment ?
La pratique du partage est largement facilitée par les nouvelles technologies : Internet et les smartphones permettent de faire connaître les biens à partager, de mettre en relation prêteurs et utilisateurs entre eux et d’organiser ce partage. Et que peut-on partager ? En Suisse, nos voitures ne roulent qu’une heure par jour. Pendant les 23 heures restantes, elles immobilisent plus de 57 km2 de sol asphalté, c’est-à-dire plus que la Ville de Berne tout entière. En moyenne, notre perceuse ne nous servira que 13 minutes dans notre vie. Deux chiffres parlants pour montrer que de nombreux objets ou espaces que nous possédons individuellement ou collectivement sont largement sous-utilisés. Des moyens de transports (voitures, vélos, cargo bikes, voiliers, etc.) ; des appareils électroniques ou électroménagers ; des biens high-techs ; du matériel de sport ; des outils divers et variés ; du matériel professionnel ; des espaces de travail, de loisirs, de sport, et bien d’autres encore. De nombreuses associations, start-ups, entreprises, collectivités et institutions publiques permettent aujourd’hui cette économie du partage. Mais qui sont-elles ?
Panel d’acteurs suisses qui favorisent le partage
B2B cherry : un réseau d’échanges de ressources inutilisées dans le milieu professionnel
Désormais, l’économie collaborative s’adresse aux entreprises et permet le partage de ressources sous-utilisées : locaux, matériel professionnel, places de parking, espaces de stockage ou véhicules sous-utilisés sont autant de ressources qui peuvent facilement être partagées entre entreprises, institutions publiques, associations, fondations ou autres organisations professionnelles. C’est l’objectif de la startup B2B Cherry et de sa plateforme digitale qui met en relation ces professionnels afin qu’ils partagent, à moindres frais, les ressources qu’ils n’utilisent pas à 100%.
La Manivelle : bibliothèque d’objets
La coopérative la Manivelle à Lausanne et à Genève met à disposition de ses membres un large éventail d’objets, sur le même principe qu’une bibliothèque : outillages de construction, affaires de jardinage, matériel de peinture, appareils audiovisuels, moyens de transport, instruments de musique, ustensiles de cuisine, équipements de sport, affaires de camping, ou dispositifs d’événements.
Pumpipumpe : partage d’objets entre voisins
De quels objets personnels a-t-on vraiment besoin soi-même et lesquels peut-on utiliser ensemble ? C’est la question à la base de cette initiative. Et pour rendre visibles les objets utiles, cachés dans les appartements, armoires, boîtes et caves qui peuvent se partager entre voisins, Pumpipumpe propose un set d’autocollants représentant tous les objets que l’on souhaite partager à placer sur nos boîtes aux lettres, ainsi qu’une carte interactive pour trouver facilement l’objet de ses désirs dans son voisinage.
Mobility : coopérative de voitures partagées
Mobility est une Société Coopérative qui permet le partage de plus de 3'000 voitures en Suisse. Les 200'000 clients privés, entreprises, collectivités publiques qui se partagent ces voitures permettent une utilisation optimale du véhicule : les entreprises, qui utilisent leurs véhicules plutôt en semaine et la journée, peuvent les partager avec des privés qui les utiliseront plutôt le soir et le week-end. Cela réduit ainsi les coûts économiques et écologiques des déplacements de tous.
Carvelo2go : partage de vélos cargos
Le réseau de partage de vélos cargos Carvelo2go permet aux personnes qui ont parfois besoin de transporter leurs courses, des objets lourds, ou qui souhaitent faire des balades à vélo avec leurs enfants, de louer des vélos situés dans toute la Suisse à l’aide d’application mobile.
Sailbox : partage de voiliers
Sur le même principe que les autres moyens de transports en partage, Sailbox permet à ses membres d’utiliser un voilier du réseau dans de nombreuses villes suisses, lorsqu’il en a besoin. Et le reste du temps, plutôt que de rester à port, le voilier est utilisé par d’autres.
BoxUp : du matériel de sport et de loisirs à partager dans des parcs
BoxUp est un casier placé dans des parcs et espaces publics permettant de louer du matériel de sport et de loisir par application mobile. Une façon de réduire ainsi la surconsommation et donc l’énergie grise qui se cache derrière.
Société des Beaux-Arts de Bienne : location d’œuvres d’art
La Société des Beaux-Arts de Bienne entretient une collection d’art contemporain et propose l’action location qui consiste à mettre cette collection à disposition de ses membres à des prix très modérés. Le but recherché est de rendre accessible l’art contemporain à un large public en dehors du contexte muséal.
IdéeSport : les salles de gym scolaires rendues accessibles aux enfants le week-end
Utilisées par les écoles en semaine, les salles de sport peuvent facilement se transformer en espace d’activité physique pour les enfants durant le week-end plutôt que d’être vide. La Fondation IdéeSport et ses communes partenaires permettent aux enfants d’utiliser les salles de sport les dimanches après-midi de la période hivernale et permettre une utilisation partagée de cet espace.
L’économie du partage : une vraie plus-value pour nos ressources
Selon une étude française datant de 2014, tous ces biens partageables représentent environ un quart des dépenses des ménages et un tiers de leurs déchets. (Demailly D. & Novel A-S (2014) Nouvelle prospérité - Economie du partage : enjeux et opportunités pour la transition écologique, IDDRI Institut du développement durable et des relations internationales, no 03/14.). Si ce chiffre est identique pour la Suisse, cela signifie que nous pourrions réduire un tiers des 700 kilos de déchets que nous produisons tous chaque année. Partager permet de réduire ses déchets et ses dépenses, mais aussi et surtout de limiter l’utilisation des ressources naturelles nécessaires à la construction de ces biens, et de limiter l’utilisation de notre ressource sol en partageant l’espace. Et cerise sur le gâteau, le partage entre voisins favorise le lien social et l’entraide de proximité.
Le partage n’est possible que si l’on adhère aux valeurs mêmes qu’il représente
Mais pour que cette économie fonctionne, il faut que les acteurs du partage, celui qui prête et celui qui emprunte, adhèrent tous deux à cette vision fondamentale : « sharing is caring ». Du côté des bénéficiaires : déprédations et manque de respect des biens et des espaces partagés sont un des gros risques et une réalité vécue par plusieurs entreprises. Du côté des entrepreneurs, et comme le relève le théoricien de l’économie collaborative Michel Bauwens : les grands noms du secteur, malgré leur omniprésence, n’ont aucun lien avec l’économie du partage, la vraie. Certaines entreprises ont vu dans l’économie du partage une opportunité d’engranger des bénéfices, mais ne partagent pas ces valeurs fondamentales. Et c’est là la frontière entre les véritables acteurs du partage et les autres. À chacun d’y voir clair !
La Municipalité de Séoul a mis en place une vraie politique publique du partage
Pour résoudre une partie des nombreux problèmes de la Ville (forte urbanisation, solitude grandissante de ses 10 millions d’habitants, etc.), le maire de Séoul a initié en 2012 un plan d’innovation sociale pour faire de Séoul la capitale du partage. Son plan d’actions ? Soutenir les start-ups innovantes dans ce domaine ; créer un ShareHub qui centralise tout ce qui peut être partagé dans la ville ; et créer une loi sur la promotion du partage promulguée pour fournir un cadre juridique.
Le ShareHub recense quelque 120 entreprises, dont plus de la moitié sont officiellement labellisées par la municipalité, ce qui leur donne notamment accès à des financements. Ces start-ups peuvent être à but lucratif ou non, mais elles doivent apporter un service au public.
Résultats : de très nombreuses initiatives ont vu le jour à Séoul, permettant par exemple le partage de voitures et covoiturage, la promotion du troc, la création de bibliothèques de prêts dans les très grands immeubles afin de favoriser l’échange de livres et la location d’outils de réparation, la cohabitation entre personnes âgées et jeunes pour promouvoir les relations intergénérationnelles, le prêt d’équipement médical des hôpitaux publics inutilisé à d’autres établissements de santé dans le besoin ou encore l’ouverture de 800 bâtiments publics rendus accessibles au public à des fins d’organisation d’évènements ou de réunions privés. Un programme d'initiation à l'entrepreneuriat collaboratif destiné aux lycéens a même été créé pour promouvoir dès le plus jeune âge cette nouvelle forme d’économie.
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