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Biens immobiliers protégés, comment les rénover énergétiquement ?

Bien-immobiliers

En Suisse, dans de nombreuses villes, les rénovations énergétiques se heurtent à la problématique de la préservation du patrimoine architectural. Comment concilier sauvegarde des biens protégés avec efficience énergétique et production durable ? On fait le point.

La transition énergétique implique d’opérer des rénovations massives au sein du parc immobilier helvétique. Le parc immobilier consomme près de 90 TWh, ce qui correspond à 40% environ de la consommation finale d'énergie en Suisse. De plus, il génère presque un tiers des émissions de CO2 sur notre territoire. La faute notamment à des constructions relativement vieilles qui, aujourd’hui, ne répondent plus aux exigences énergétiques et d’isolation nécessaires pour opérer la transition. Outre l’ancienneté des biens, le caractère architectural unique de certains ouvrages constitue une autre problématique en matière de rénovations énergétiques. Un patrimoine bâti qui, en plus de son importance culturelle et historique, représente également un argument touristique aux retombées non négligeables dans certaines régions. On pense notamment aux villes du Locle et de La Chaux-de-Fonds, dont les toitures si spécifiques et l’architecture industrielle du boom horloger sont inscrites au patrimoine mondial de l’Unesco.

Outre les questions relatives aux pertes de chaleur, pouvant par exemple nécessiter le remplacement des vitrages ou la rénovation de l’isolation en façade, se pose aussi la question de la production d’énergie renouvelable. Installer des panneaux photovoltaïques en toiture impacte forcément l’esthétique du bâtiment, prétéritant sa certification ou sa labellisation patrimoniale par certains organismes, tels que l’Unesco. Mais alors, comment s’y prendre ?

Exemple neuchâtelois
Dans la région neuchâteloise, les villes du Locle et de La Chaux-de-Fonds sont pleinement confrontées à ce type de problématique. Défi principal : parvenir à concilier la production d’énergie solaire avec la préservation du patrimoine architectural des centres historiques de ces villes. Pour Laure-Emmanuelle Perret, fondatrice et directrice de LMNT consultancy, une entreprise qui propose des services d’accompagnement et de conseil en matière de photovoltaïque et de rénovations énergétiques, le point essentiel consiste à trouver une cohérence avec l’histoire des lieux concernés.

« Lorsque les villes du Locle et de La Chaux-de-Fonds nous ont mandatés pour étudier cette problématique, nous avons été jusqu’à monter une équipe constituée aussi bien d’ingénieurs que d’experts en sciences humaines. Une historienne s’est ainsi penchée sur les tournants historiques majeurs de la région et leur traduction architecturale à la base du patrimoine à préserver aujourd’hui. Ce travail nous a permis de comprendre comment le boom de l’industrie horlogère propre à ces régions s’est manifesté dans l’architecture et nous a considérablement aidé à imaginer les solutions à proposer aux autorités des villes. »

Cohérence historique
Concrètement, pour ces deux villes, les critères qui ont conduit à leur inscription au patrimoine mondial de l’Unesco concernent notamment la matérialité des éléments utilisés, soit les tuiles que l’on retrouve sur les toitures emblématiques de la région. Dans les propositions de directives émises par LMNT consultancy, la stratégie préconisée consiste entre autres à ne pas opter pour des infrastructures photovoltaïques mimant l’existant, mais plutôt d’en assumer pleinement la présence.

« Une manière de maintenir la matérialité des bâtiments historiques est de garder une certaine réversibilité des installations. Il s’agit alors surtout de garder une cohérence architecturale et urbanistique en utilisant par exemple des technologies de modules colorés et de différents formats. Bien sûr, il appartient à chaque commune ou région de privilégier les approches qui lui semblent les plus pertinentes. »

Sur le terrain, les pistes à suivre pour permettre aux propriétaires de ces biens historiques de participer à la transition consistent à installer des panneaux photovoltaïques de même couleur que les tuiles. Une solution qui permet un double avantage : ne pas trop impacter l’esthétique puisque la teinte originale de la toiture se retrouve dans les panneaux, et surtout ne pas toucher aux tuiles artisanales d’origine et à l’agencement en damier des toitures.

« Il est également intéressant de constater que la cohérence historique des lieux est conservée et remise au goût du jour dans notre approche », ajoute Laure-Emmanuelle Perret. « En fait, lors du boom industriel et horloger de l’époque, les façades des ateliers se distinguaient par une architecture pensée pour maximiser le passage de la lumière naturelle, afin d’éclairer et de chauffer les lieux de production. Aujourd’hui, il s’agit toujours de jouer avec l’utilisation de la lumière du soleil, mais pour produire de l’énergie. »

Permettre l’élan durable citoyen
Prévues comme des guidelines, ces propositions de directives devraient permettre aux propriétaires de prendre part activement à la transition énergétique, et aux autorités de répondre favorablement à leurs nombreuses demandes.

« Les Villes sont en effet régulièrement sollicitées par les propriétaires de ces biens protégés. On perçoit donc un réel engagement citoyen avec la volonté de pouvoir prendre part à la transition et de tendre vers une forme d’indépendance énergétique. Ce n’est donc pas un phénomène marginal. »

Et demain, quel patrimoine ?
Si la question de la préservation du patrimoine bâti implique forcément un regard attentif vers le passé, l’avenir est également à prendre en compte. En particulier aujourd’hui, face à l’urgence du changement climatique. Les infrastructures de production d’énergie renouvelable et leur ingénieuse intégration au sein de biens protégés doivent aussi donner naissance au patrimoine de demain, lorsque les prochaines générations se pencheront sur le passé en observant les efforts entrepris alors en matière de rénovations énergétiques.

« Il est important que les acteurs de la conservation du patrimoine et de l’énergie travaillent ensemble pour trouver des solutions communes. Certains compromis sont nécessaires, mais quand ils prennent sens dans une vision commune, cela permet d'avancer », rappelle Laure-Emmanuelle Perret. « Et protéger un patrimoine ne signifie pas non plus devoir le figer. Il s’agit davantage de parvenir à comprendre ce qui en fait quelque chose d’unique en restant fidèle à son histoire et à une époque pour en garantir la continuité dans un nouveau contexte, marqué par des impératifs différents. »

 

Thomas Pfefferlé
Rédigé par Thomas Pfefferlé · Journaliste innovation

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