Le secteur de la construction a un impact écologique non négligeable. Il est en effet responsable de 30% du total des émissions de gaz à effet de serre, engloutit 46% de l’énergie consommée et génère 40% de l’ensemble des déchets produits chaque année en Suisse. Dans ce contexte et au vu des défis climatiques, la notion de « construction durable » se fait de plus en plus présente, voire pressante.
Construire durable, oui, mais comment ?
Le standard SNBS
Le standard Construction durable Suisse SNBS lui donne même un cadre. Lancé en 2016, il est le premier standard suisse à couvrir tous les aspects de la durabilité. En plus de s’intéresser à des thèmes tels que les énergies renouvelables, la réduction de gaz à effet de serre, la construction et l’exploitation respectueuses de l’environnement, il est également attentif aux aspects en lien avec la société comme la participation citoyenne, une qualité d’usage élevée, l’accessibilité aux personnes handicapées, ainsi que des critères de santé. Le standard SNBS prend aussi en compte des aspects économiques tels que le choix du site et le rendement potentiel.
Les trois piliers de la construction durable
L’idée de construction durable se caractérise par la recherche d’un équilibre entre les ambitions sociales, environnementales et économiques. Pour être durable, une construction devrait donc être attentive à ces trois domaines :
En matière de relations sociales
Conception et gestion participative du projet, mixité intergénérationnelle, appartements accessibles aux personnes à mobilité réduite, adaptabilité des surfaces de logements, locaux à usage commun, espaces de rencontre.
En matière d’environnement
Tirer profit des atouts qu’offre l’environnement (ensoleillement, vent), architecture pensée en harmonie avec la nature et les ressources (comme le fait l’architecture bioclimatique), choix de matériaux à basse énergie grise, sans polluants chimiques, alimentation via les énergies renouvelables et locales, climat intérieur sain, économies de ressources (eau), jardin potager (permaculture), parmi d’autres mesures.
En matière d’économie
Optimisation des coûts tout au long du cycle de vie du bâtiment, contribution positive à l’économie régionale, logements à loyers modérés, simplicité des choix techniques, limitation des véhicules privés (auto-partage).
Privilégier les matériaux naturels
En matière de construction durable, la question des matériaux est déterminante. En raison de leur pourcentage en masse important, les matériaux « traditionnels » du gros œuvre (sable, gravier, pierre, métaux, etc.) pèsent en effet un poids non négligeable dans le bilan écologique. Quant à ceux dont le pourcentage en masse est plus faible (par exemple les peintures, crépis, revêtements, composés chimiques), ils sont souvent responsables d’émissions de polluants, nocifs pour la nature et notre santé.
Afin de limiter ces impacts, Sébastien Piguet, directeur romand de l’association ecobau et co-directeur du bureau d’ingénieurs LeBird à Prilly, rappelle qu'« il faut privilégier l'utilisation de matériaux naturels peu transformés - comme le bois, le pisé, la paille, la terre crue, la chaux - ou à base de matières recyclées, locales, à basse énergie grise. L’important est d’éviter des matériaux nécessitant beaucoup de ressources pour la fabrication, ainsi que les matériaux qui posent des problèmes sanitaires ou environnementaux pendant leur mise en œuvre ou leur utilisation. ». Ainsi, remplacer le béton par une alternative durable est préférable. Oui mais…
Le bon matériau pour la bonne utilisation
La réponse à l’utilisation du « bon matériau » n’est pas unique. En matière de construction durable, il s’agit d’utiliser le bon matériau au bon endroit. Car même les matériaux peu transformés, naturels et/ou locaux ont leurs limites, rappelle Sébastien Piguet : « La terre crue, si elle est naturelle et locale, avec un impact environnemental nettement plus faible que le béton, ne convient toutefois pas pour des murs porteurs. De plus, certains matériaux naturels ont une énergie grise élevée : le processus d’obtention de la terre cuite nécessite le recours à des fours à haute température très énergivores. Le bilan final n’est donc plus aussi bon qu’au départ. Quant à la paille, bien qu’elle soit un très bon isolant, elle doit être mise en œuvre sur une large épaisseur, ce qui peut être un frein pour des constructions en ville, où la question de la surface utile se pose. De plus, on ne sait plus vraiment travailler les matériaux naturels, il faut retrouver des connaissances et des méthodes. ». En cas d’intérêt pour les constructions écologiques, Sébastien Piguet conseille avant tout de s’adresser à des bureaux d’architectes déjà engagés sur la question des matériaux durables. S’entourer de professionnels qualifiés est le meilleur moyen d’obtenir les bonnes réponses.
Les éco-matériaux, qu’est-ce que c’est ?
Il s’agit de matériaux de construction dont l’utilisation respecte l’environnement. Toutefois, leur choix et leur mise en œuvre est une question de contexte, de comparaison avec d’autres options. Voici une liste de critères qui peuvent orienter le choix des matériaux d’un point de vue écologique :
Un éco-matériau…
- doit satisfaire une ou plusieurs fonctions. Plus les matériaux choisis sont bons techniquement, plus la construction ou la rénovation est durable -> critère mise en œuvre
- n’émet pas de composés organiques volatiles (ou d’autres matières allergisantes), de gaz toxiques, cancérigènes, polluants ou à effet de serre, ni de champs électromagnétiques ou de nanoparticules -> critère santé
- laisse respirer les murs grâce à une bonne régulation hygrométrique et possède une bonne inertie thermique -> critère confort
- est un isolant performant (économies d’énergie sur la durée de vie du bâtiment), génère peu d’énergie grise (faibles dépenses énergétiques à son extraction, sa transformation, son conditionnement, son transport). Les matières premières d’un éco-matériau sont issues de ressources renouvelables (comme le bois des forêts locales ou la laine de mouton qui repousse chaque année) ou proviennent d’une agriculture biologique. Il est de plus recyclable et/ou réutilisable -> critère environnement
- est respectueux du paysage et s’intègre aux spécificités paysagères locales. Il mobilise également de la main-d’œuvre locale et son extraction et/ou sa transformation sont porteuses de qualifications valorisant les métiers qui lui sont liés -> critère développement local équitable
Quelques éco-matériaux et leurs mises en œuvre :
- isolation : d’origine végétale (lin, chanvre, bois, liège), animale (laine) ou encore en matériaux recyclés (flocons de cellulose).
- revêtement de murs : crépis à la chaux, tadelakt, enduit en terre crue (argile), bardage, lambrissage.
- peintures : minérales à la chaux, aux silicates, à l’argile, l’huile de lin et ses préparations pour le bois, l’essence de térébenthine (distillation de la résine de pin), la cire d’abeille, l’encaustique (mélange de cire d’abeille et de térébenthine).
- revêtement du sol : plancher, parquet, linoléum naturel (en fibre de jute), liège, fibre de coco, dallages en pierres naturelles, galets naturels.
Source: La Revue durable et Maison Nature
Présentation d’une réalisation exemplaire
Le Projet Rigaud 55 à Chêne-Bougeries (Genève) a parfaitement intégré les notions de durabilité. La réalisation, labellisée Minergie P+Eco, a reçu la Distinction romande d’architecture DRA4 à l’automne 2018, ainsi que le prix de la catégorie « Co-Living Residential » aux European Architecture Awards 2020 (seul projet suisse).
Rigaud 55, c’est une série de six maisons regroupant 49 foyers (dont 10 logements réservés aux habitants de la commune), un logement destiné à accueillir des personnes migrantes, une crèche et une salle de musique. Le projet offre également une série d’espaces communs de caractères et tailles variés, appropriables au gré des besoins et dans le but de développer les différentes formes de convivialité, au cœur des préoccupations de la coopérative Codha, la maître d’ouvrage.
Les habitants ont participé à la conception du lieu de vie, puisqu’ils ont pensé et créé les aménagements extérieurs (potagers en permaculture), ainsi que l’espace de coworking. Côté sud, on trouve un espace protégé et bien ensoleillé pour le jardin des enfants, et, à l’autre extrémité du site, des jardins privatifs.
La taille et la morphologie du projet ont été pensées pour donner aux bâtiments une échelle et un caractère qui permettent une bonne appropriation par leurs habitants.
La matérialité des façades fait la part belle au bois. L’enveloppe, bardée de lattes prétraitées, réunit en un seul volume articulé les six bâtiments, englobant les paliers et les balcons, dans une quête d’unité. Une grande attention a été portée à l’épaisseur de l’isolation, à la lumière naturelle dans les locaux, à la qualité de l’air intérieur et au choix des matériaux par rapport aux ressources engagées.
Le projet soutient également la création d’énergie renouvelable locale, ainsi qu’une consommation économique et écologique pouvant amener à une déduction des charges des locataires. La production de chaud est assurée par une pompe à chaleur sur sondes géothermiques qui permet également un géocooling en été. Rigaud 55 est en outre la première communauté d’autoconsommateurs photovoltaïque à Genève à utiliser l’électricité produite par ses installations solaires.
Commentaires 0